Ours y es tu?

Publié le par Franck

- Je vous assure ingenieur, j'ai essaye toute la journee mais je n'ai pas reussi.
- Oui ingenieur toute la journee mais la machine est trop petite.
- Mais demain ceux du consejo (equivalent DDE) y vont, avec une pelleteuse plus grande, ils vont le sortir de la.
- Oui ingenieur je vous tiens au courant. A demain.

C'est a peu pres la conversation qu'on pouvait entendre le soir de notre arrivee au seul telephone de Pucara. Il est situe dans une petite maisonnette prevue a cet effet, lieu de rencontre des villageois. C'est du materiel Alcatel soit dit en passant, dont des batteries que Don Felipe etait tout content de nous montrer.
En ces termes, Don Pablo faisait comprendre a l'ingenieur que le camion venu porter du ciment pour le chantier des canalisations d'eau de Pucara resterait ce soir bloque dans l'eboulement de la route.

Pucara. 1h de marche de Santa Rosa. 1h de marche d'Apuela. Un telephone. Oubliez le portable et sa connexion internet ou le dernier telephone Nokia, inutiles ici. Le coeur de la sierra et sa foret subtropicale humide qu'on atteint par 3h de bus depuis Otavalo puis 20 minutes a l'arriere d'une camionnette depuis Apuela, eboulement oblige.

La camionnette. Le seul moyen de transport pendant une semaine qu'on partage avec les locaux, des bidons de lait, des rondins de bois ou parfois un tas de sable et deux vaches, trois vaches et deux chevaux ou des dejections porcines... ca laisse plus de place mais on ne sait pas plus ou se mettre. Et le sac, je le pose ou?
Mais tout le monde s'aide, vous aide. "Oui il y a du monde la, mais serrez vous quand meme car il ne vaut pas mieux se tenir a la porte de derriere qui a tendance a s'ouvrir." Solene est bien contente du conseil. Tout le monde est la ? Vamos...

Une prise de contact rapide autour d'un repas simple, riz et lentilles, notre nourriture de base pour une semaine. Il ne faudra pas trop compter sur les extras. Il y a David, un anglais qui s'occupe du projet sur le terrain depuis 4 ans (Armando le fondateur du projet passant la majorite de son temps sur Quito maintenant), Celia la cuisiniere et les volontaires : Scott et Kate, australiens, Bosch, anglais, et Dorab canadien.
L'association tente de preserver l'ours andin ou ours a lunettes, menace d'extinction aujourd'hui. D'une part elle essaie de recuperer des animaux maltraites (zoo, cirques, particuliers) et de les rehabiliter a la vie sauvage dans un centre specialise avant de les relacher dans leur milieu naturel. D'autre part elle etudie le comportement de l'ours, ses deplacements afin de mieux le proteger. Pour cela, elle utilise notamment des colliers radios qui permettent de localiser les ours par telemetrie et triangulation. Actuellement, quatre ours sont ainsi suivis. Enfin, l'association mene une mission de sensibilisation aupres de la population locales car les ours ont parfois la facheuse tendance d'aller devorer les champs de mais. Et les cultivateurs a avoir la gachette facile. Pour etre plus persuasive, l'association essaie de les indemniser.

Permier jour, on va nettoyer le sentier de San Luis et ecouter les ours. C'est parti. Machettes a la main, bottes en caoutchouc aux pieds, deux bouts de pain, du thon en boite, trois biscuits et une pomme dans le sac. Pour le dejeuner aussi, c'est assez simple. Une bonne journee dans une foret subtropicale omnipresente a ecouter les ours et a se battre avec les bambous. En cet hiver 2007-2008, on n'aura pas trop manie les Quarks, mais la machette si. Sportif aussi. Pour le manche, je prefere le grip des Quarks. Moins agressif, il laisse moins d'ampoules...

Deuxieme jour. On fait deux groupes. Dorab, Bosch, Alberto (un local qui travaille regulierement avec l'association) et moi pour le debroussaillage. Solene, Kate, Scott et David pour la telemetrie. Activite differente mais on rentrera aussi mouilles les uns que les autres. Avec Bosch et Dorab, on sera bien content d'etre pris en stop, meme a 15 min de Pucara apres cette journee sous la pluie. La camionnette s'enlise dans le chantier des canalisations du village. Tout le monde aide. Tout le monde pousse. Dix minutes plus tard, la voie est libre. Poignees de main. Merci. Que le vaya bien...
Soiree sympathique avec tous les gamins qui viennent jouer au poker a la maison des ours avec comme mise des haricots blancs. L'essentiel est de jouer, pas de gagner et il se refilent des haricots les uns les autres quand ils sont en perdition.

Les deux prochains jours, c'est camping. Oui non, rien a voir avec la version Franck Dubosc. On prepare les sacs. On prend les tentes meme si a priori on n'en aura pas besoin. Pas plus mal avec la meteo du coin mais ca n'allege pas les sacs.
Ca commence par la camionnette du laitier. Une autre. Une derniere mais qui s'arrete bien vite pour cause d'eboulement. Les routes et les talus de terre souffrent beaucoup avec la pluie. Tout l'Equateur souffre d'ailleurs avec les pluies exceptionnelles de cette annee : une quinzaine de morts, des milliers de sinistres, des routes coupees, des centaines d'hectares de cultures inondees et perdues sur les regions cotieres. Ca fait les grands titres des journaux tous les jours. La sierra n'est pas en reste.
On poursuit par 4h de marche dans 20cm de boue bien souvent. Les bottes lisses nous jouent des tours, on est a 4 pattes dans du 20 degres...

On arrive enfin chez nos hotes. Une maison simple. Une cuisine avec les cochons d'inde qui vivent en liberte a meme le sol avant de finir en mets de choix. Avec les poules qui s'invitent aussi parfois. Avec le feu qui fait mijoter la soupe. L'eau courante ? Oui en prise directe du ruisseau, elle arrive au tuyau dehors au dessus du gros bidon. Ca sert aussi pour la douche. Pour les toilettes ? C'est ou on veut au dela des barbeles... avant il faut quand meme respecter l'espace des quatre cochons.

Mais on n'est pas venu que pour profiter du cadre enchanteur, sinon pour reactiver une cage. L'association devrait bientot recevoir un collier GPS et il faut donc capturer un ours pour l'utiliser. Les rejouissances du jour consistent a porter la cage dans un endroit opportun, sur le passage des ours. Les garcons portent un ou deux elements, des plaques de fer, accroches avec un bout de corde dans le dos. Les filles s'occupent de l'intendance : le dejeuner pour tout le monde, le materiel de telemetrie, les vetements et l'eau. On a l'impression d'etre des clandestins en train de porter je ne sais quoi d'illegal dans une foret reculee. Marrant mais ca n'a rien de facile : la boue, les hautes herbes, les arbres tombes. On a bien merite une petite pause pour jouer a Tarzan !
En deuxieme partie de journee, on pose la cage et on continue l'exploration de la foret, tres dense, pour trouver un emplacement adequat. La progression est difficile dans ce terrain pentu et glissant, les machettes indispensables et la pluie toujours la. C'est rien de dire qu'on se fraye un chemin dans la foret. Il nous faut traverser un ruisseau bien virulent. Bosch, peut etre pas assez mouille, ou plus surement a l'insue de son plein gre opte pour un bain raffraichissant. Je lui laisse.
On continue notre avancee et enfin on decouvre des traces d'ours : la mousse absente des arbres (l'ours se frotte), un poil, les restes de bambous (nourriture principale de l'ours), des traces de griffe sur les arbres. Ah oui, l'ours, on ne le voit jamais. Il a un odorat trop performant. David en a vu un seul en 4 ans en liberte, dans un champ de mais, mais il a vu juste pour ce chemin d'ours en haut de la colline. Il est trop tard pour emmener la cage jusque la. Une partie du travail est faite.

On rentre au "camping" et on passe la soiree comme la veille au coin du feu, a boire de l'eau de guayusa (plante pour la tisane) avec un peu de puro, l'alcool local de canne a sucre. On prend le temps.
On discute. Les gens ici vivent avec 3$ par jour, moins que le prix d'un menu chez Mc Do a Quito. Quelles disparites en Equateur. Dans tous les pays qu'on a traverses d'ailleurs. Bien sur on le sait mais on y est encore plus confronte en voyageant. Partager, ca fait longtemps qu'on ne sait plus ce que c'est. Moi y compris qui, en meme temps que je fais secher mes chaussettes et bottes au dessus du feu, pense a la chance que j'ai d'etre bien, de vivre en France, d'avoir un appartement et le confort qui va avec. Tout ca est bien complique. Que faire ? Aider quelques personnes ? C'est un debut mais quid pour toutes les autres ?
David essaie d'aider les locaux en les faisant travailler quand l'association a des ressources et en les payant plus de 3 fois le salaire journalier normal. Pourquoi pas seulement le double et permettre un travail plus regulier. Je ne sais pas. Tout le monde fait ses choix. Tout le monde a parfois ses incoherences. En tout cas la population semble l'apprecier, lui et l'association. Beaucoup de questions autour de ce feu. Peu de reponses.

On regagne Pucara le lendemain. L'etat du chemin ne s'est pas ameliore.

C'est la fete a Santa Rosa. Une camionnette y descend a 17h. J'hesite. Je vais finalement voir avec Kate tandis que Solene, Bosch et Scott se font une soiree pop corn-DVD sur le PC portable de David. Il ne se passe pas grand chose. C'est la fin du tournoi de volley, sport "national" (apres le foot) mais qui ici se joue a 3 contre 3 et avec un ballon de foot. Allez comprendre. Le tournoi de cuarenta commence. Il s'agit d'un jeu de cartes tres prise dans la sierra. Tous les hommes sont la, occupes. Les femmes pour l'instant absentes se reservent apparemment pour la soiree dansante qui commencera bien plus tard. Un peu a l'ecart, on decide de rentrer avec Kate. Il est 20h, il fait nuit, il pleut et il nous reste 1h de marche jusqu'a Pucara. Au bout de 30 minutes a la frontale, une camionnette s'arrete et nous prend. Cool.

Je mange, je ferme le sac et au lit. Demain il ne faut pas rater la camionette qui descend au marche a Apuela. On est a l'heure mais c'est plein a craquer, un peu plus on ne rentrait pas. Les locaux nous prennent les sacs, nous aident a monter. L'esprit de la sierra : des gens gentils avant tout. "Muy buena gente" comme aime dire David. Il n'a sans doute pas tort.
De la, il nous reste plus qu'a prendre la route pour Otavalo. A priori la route du haut est a nouveau praticable. Le chauffeur se renseigne a Apuela et decide de tenter. Praticable, c'est vrai. Enfin, quand on voit le bus qui frole le bord de la route en terre, avec juste a cote... un ravin de terre, on se demande comment tout ca tient et on finit par trouver les routes boliviennes plus que sures.

On ne sait pas trop si on aura permis a l'ours a lunettes de survivre car on a parfois l'impression que l'association manque cruellement de moyens et que c'est un travail de fourmi, de longue haleine mais on a passe une semaine super au final, pour tout un tas de raisons et on a un peu touche du doigt la vie de la sierra.

Publié dans Equateur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
en direct du pc d eric on est directement reliés a meteo Isère et on guette les conditions pour skier sur ces pistes tant aimées en manque de neige.Bon l'essentiel n'est pas la , mais plutot dans toutes ces émotions que nous vivons a travers votre périple!et je dois dire que le dernier extrait du blog m'a laissé qques frissons.;je pense que ça a du etre assez sportif, les photos en témoignent.;;je pensais a ça en arrivant a Tignes et je trouvai notre escapade assez sommaire par rapport a tout ce que vous vivez!!!!ce décalage m interpelle tout le temps et on se rend compte qu'on se prend la tete pour des banalités alors que qqe part dans le monde il se passe tant de choses que l'on ne soupçonne pas et qui ne sont pas toujours faciles a vivre!a en croire vos portraits , vous vous en sortez bien et vous avezl'air d'avoir la forme !!!!c'est vrai que l'arrosage permanent donne de bons résultats.allez un petit citron chaud arrosé de rhum et tout le monde au lit a 21h.un bisous a vous deux et toute notre impatience de lire la suite.
Répondre
F
En direct de Quito, pour notre dernier jour en Amerique Latine et le premier jour de la 31ieme annee de Solene, qui a largement handicape notre budget "nourriture" de l'Equateur. Pas de neige ici non plus mais de la pluie frequemment et on espere bien trouver le soleil au Panama demain. S'il neige, profitez bien du ski pour nous. Pour la forme ca va bien oui a part mon torticolis qui a du mal a passer mais bon... On part pour de nouvelles aventures qu'on sera ravi de vous faire partager. Encore des inconnues bien sur. Bises de tous les deux a toute la famille en villegiature.
B
Travailler avec Bosch, c'est forcement du travail de pro... Continuez de bien vous amuser! <br /> Par ici, les quarks sont chaud-bouillants, va falloir une remise à niveau au retour Franck ;-)<br /> Bertrand
Répondre
F
Salut Bertrand, j'avais bien pense a ca avec Bosch mais je ne regrette rien vu que tu y as pense a ma place. Une remise a niveau oui.. je trouverai bien des gens qui voudront  me trainer en montagne pour la remise a niveau. Tu as fait des trucs cette annee? A+
M
Bonjour Solène et Franck,<br /> <br /> Lorsque nous allons en montagne, lorsque nous plantons nos piolets et nos crampons, nous souffrons de l'effort imposé par dame montagne. Nous persévérons à grimper en quête d'une récompense sublime, le sommet et la course en elle-même. Pour qui faisons-nous ça ? Pour nous ! Ne remettons pas ça en cause, car c'est bon. Vous, cette semaine de bénévolat, vous avez dû porter, évoluer en terrain difficile aussi pour vous mais vous avez su mettre à profit ce besoin de connaissance et d'exploration au profit d'une bonne cause. A travers ce témoignage, je me dis aussi que c'est nous qui devrions en prendre de la graine et tenter de joindre notre agréable à l'utile. <br /> Félicitations. <br /> <br /> Marie
Répondre
F
Salut Marie, merci de nous suivre tout le temps. Solene me dit  de te transmettre que tes messages lui font bien plaisir a chaque fois.Chacun voit ce qu'il veut dans cette article. Je ne veux surtout pas donner les lecons d'une verite que je ne detiens pas.  C'etait juste pour donner un petit apercu de ce qu'on peut vivre. A+