Amazonie bolivienne

Publié le par Franck

Avertissement prealable au lecteur : cet article est long. Tres long. Mais c'etait tellement bien...

L'aventure commence a la Paz, avec le bus. Le bolivien a une facheuse tendance a arriver au dernier moment, voire en retard. 10 min avant le depart, le bus est pret. C'est sans compter sur un bolivien qui arrive avec une pile de cartons aussi haute que lui. On reorganise les soutes, oui car je participe aussi. Certains cartons ou sacs vont rejoindre les 4m3 de feuilles de coca qui sont deja sur le toit. C'est bon, tout rentre. Et non, 5 min plus tard, rebelote. Puis a nouveau avec un cadeau de Noel super fragile qui finira aussi sur le toit, faute de place. Le bouquet final, c'est quand un jeune arrive avec rien de moins qu'une machine a laver pour prendre le bus. Je n'ai que ca, dit-il. Heureusement! Hop, sur le toit aussi.
On peut enfin partir avec 1h de retard mais au bout de 30 secondes, arret... Le guidon d'une bicyclette arrache les fils du reseau electrique. Le chargement est un peu haut peut etre. Pas de probleme, le deuxieme chauffeur passe par une fenetre du bus pour monter soulever les fils et regler ce petit detail.
30 min plus tard, on s'arrete de nouveau a la sortie de La Paz. On a un petit probleme avec la bicyclette. Elle gene pour passer un peage. Apres un rapide sondage, il s'avere qu'elle n'est a personne. Elle a du etre chargee par inadvertance. On hesite a la laisser la, a la garder. Finalement on la deplace et elle ira passer les fetes de fin d'annee a Rurre, sans son proprietaire. On repart une heure plus tard...

On monte a 4600m avant de redescendre par la magnifique region des Yungas. On emprunte un nouvelle route asphaltee d'ou l'on peut admirer a loisir la "route de la mort" sur l'autre versant qui sert surtout aujourd'hui aux VTTistes amateurs de sensations fortes.
Tout d'un coup, ca frappe dans tous les sens sur les cotes du bus. On vient de crever. Le bolivien a aussi tendance a surveiller le bus et la route. Rassurant... ou pas. Un gars va ainsi faire quasi tout le voyage la tete a la fenetre, la casquette vissee sur le front. On s'arrete pour changer la roue qui se trouve bien judicieusement au fond de la soute a bagages...
1h plus tard, on a gagne le fond de la vallee et une route de terre qui serpente le long du rio Beni. Ca frappe a nouveau. Crevaison mais la on ne s'arrete pas. On n'a qu'une seule roue de secours. Notre ami bolivien ne quitte pas la route de yeux. Il est du cote du precipice et de la crevaison. La poussiere, meme pas peur. Un camion arrive en face. On le croise a gauche. Solene pense qu'ils ont du etre colonises par les anglais en fait. On comprendra un peu plus tard, devant la systematisation du phenomene, que cela permet au chauffeur, assis a gauche forcement, de mieux apprecier la distance qui le separe du ravin. Tout va bien. 
Un peu plus loin, on s'arrete pendant deux heures pour reparer les deux roues dans une gomeria. Le temps pour nous de grignoter quelques trucs et d'improviser un apero coca - biscuits sales.
22h apres notre depart, on arrive enfin a Rurre, presque dans le temps. A 5h pres.

La, changement complet d'atmosphere. Il fait chaud, humide, tout parait paisible. Les gens se deplacent en moto, sans casque forcement. On se croirait presque dans les iles. Les tenues legeres sont de sortie. Solene va pouvoir profiter pleinement toute la semaine de mon short Vertical, motifs 1991. Un must. Desole, c'etait le plus leger. Elle, arbore une robe rouge, forcement plus elegante. Farniente. Ca change de La Paz et ses temperatures plutot fraiches.
Le soir je goute au surubi a la plancha, un delicieux poisson a la texture exquise, peche dans le rio Beni meme.

Le lendemain on part pour 3 jours dans la pampa, .... Apres 3h de 4X4, on prend une pirogue pour remonter le rio Yacuma avec notre jeune guide Juan-Carlos. Saison des pluies oblige, le niveau de l'eau est tres eleve en ce moment. L'observation de certains animaux comme les anacondas, les capibaras (plus gros rongeur au monde), les caimans ou les alligators s'en trouve complique : leur territoire devient immense. Comme dit Juan-Carlos : "Tout est possible. Rien n'est sur".  Les dauphins d'eau douce, au dos rose, sont bien la eux par contre. 
Il est tres agreable de naviguer et d'apercevoir des singes ecureuils (chichillos amarillos), tres curieux mais mal habitues par des guides peu scrupuleux qui leur donnent des bouts de banane ; des singes hurleurs perches a la cime de arbres, plus grands et qui justifient bien leur nom quand ils se reveillent le matin vers 5h30 ; des tortues, des cormorans, des oiseaux de paradis, des manguaris proches de la famille des herons, des aigles, des vautours, des poules d'eau marron, orange et noir. On verra meme deux capibaras furtivement, des alligators et un caiman.
Le deuxieme jour on part marcher a la recherche de l'anaconda qui reste definitivement trop bien cache. On se contentera de crabes et d'escargots dans les hautes herbes. Au repas de midi, le fils de la cuisiniere, 5 ans, appelle Frederico. Un lezard a ce qu'il me dit. Ce n'est que le lendemain qu'on verra Frederico, un alligator de 2,50m finalement. La mascotte du campement.
L'apres midi on remonte la riviere un peu plus haut pour aller nager avec les dauphins d'eau douce. Pas evident de plonger dans cette eau noire a l'odeur nauseabonde a cause de toutes les huiles des vegetaux en decomposition a cette periode. Meme Juan-Carlos hesite mais c'est marrant d'avoir les dauphins qui viennent respirer a quelques metres de soi. Au retour, Juan-Carlos me laisse manoeuvrer la pirogue a la pagaie. Pas evident de mener une embarcation de 9m avec 9 personnes dans les meandres du rio Yacuma. Je finirai meme le retour au campement avec le moteur : on s'y croirait.
Le troisieme jour sera un peu gache par la pluie au debut mais au moins on aura eu toutes les ambiances. On verra tout de meme un toucan grande et son bec multicolore poursuivi et attaque par 3 autres oiseaux : c'est un voleur d'oeufs. 
Il ne faut pas oublier dans ce cadre presque idyllique, l'ennemi numero 1 : le moustique qui ne nous lache pas une seule seconde. Malgre les repulsifs, nos peaux en portent les stigmates.

On rentre a Rurre. C'est la basse saison touristique et on ne trouve rien en partance pour la selva (la foret vierge ou la jungle suivant les appellations). Solene me dit qu'elle n'est pas mecontente de quitter les moustiques. Elle a plus de 100 piqures et elle ne les a peut etre pas toutes comptees. De plus, depuis qu'on est la, la peau des doigts la brule. Elle fait une reaction allergique dont on ignore la cause.

Le lendemain au reveil, elle sent que ce n'est pas la grande forme. C'est vrai que je suis deçu de ne pas aller dans la selva. Elle me dit d'aller voir s'il n'y a pas une agence qui part. Au diable les moustiques et l'allergie aux doigts. En 10 min, tout va aller tres vite. Je fais deux aller-retour hotel/agence pour negocier un bon prix et avertir Solene de notre possible depart. Pendant ce temps, elle s'occupe de refaire les deux sacs en partance pour La Paz en un seul pour la selva. 5 min plus tard on se retrouve dans une petite pirogue a remonter un large fleuve aux couleurs boueuses avec la foret verte et luxuriante qui recouvre le relief alentour. L'image d'Epinal de l'Amazonie... mais qu'est ce que c'est bien! 
C'etait chaud quand meme ce matin me glisse Solene avec un sourire devant mon contentement manifeste... en effet, la pirogue ne pouvait attendre plus.

La selva. Que dire ? Difficile de resumer les 5 pages que j'ai ecrites dans mon carnet en 3 jours. Assurement le moment fort de la Bolivie pour nous. 
Un environnement completement nouveau. Le bruit constant des singes et autres mammiferes, des crapauds, des oiseaux dont le seringuero au cri inimitable et malgre tout, un calme et une serenite de tous les instants. Meme la lumiere est adoucie par la voute verte qui nous protege. Reposant.
Mais la selva ne serait pas la selva pour nous sans Jose-Luis, notre guide. Son grand-pere vivait dans une communaute indienne tacana et lui evolue dans cette foret depuis l'age de 10 ans. Il est comme elle. Il parle doucement, avec calme, et nous explique tous les secrets de la foret. On sent qu'il l'aime... Il y a des rencontres qui marquent. Il y a des gens qui ont du charisme meme en short et une paire de bottes en caoutchouc au pied. Marcher 7h par jour, et de nuit parfois, dans la foret avec lui est un regal. Toujours le sourire aux levres, faisant tout son possible pour nous faire profiter de cet environnement si riche.
Il connait tous les noms de la foret en tacana. C'est comme ca qu'il a appris. Mais il s'est aussi interesse aux noms scientifiques de son environnement en collaborant pour ca avec une ONG qui travaillait sur place avant qu'Evo Morales ne la renvoie dans son pays. A Rurre, on est loin de la politique apparemment. Ses effets s'en font neanmoins sentir.

Jose-Luis nous propose de nouvelles experiences culinaires : des fruits, des termites, des ecorces d'arbres au gout de quinine (on a l'impression de manger du Schweppes) ou d'ail, des plantes anesthesiantes ou l'on retrouve des sensations de "chez le dentiste". Il coupe une liane grosse comme le point avec sa machette en morceaux d'un metre environ. Il les renverse pour nous faire boire l'eau excellente qui sort litteralement du bois. Il nous montre des racines utilisees pour l'anemie, des ecorces pour les rhumatismes, l'activite sexuelle, d'autres qui permettent de coudre des vetements quand l'arbre est jeune, les feuilles d'une plante qui, une fois broyees, delivrent un jus rouge qui permet de teindre les vetements ou de se maquiller pour les ceremonies, l'arbre le plus toxique de la foret dont la seve est utilisee pour rendre plus redoutables les fleches des indiens. Il nous fait voir les animaux et pourtant ce n'est pas evident dans la selva. On a juste l'impression d'une recompense quand on en apercoit. Des cochons sauvages par groupe de 200, des singes, des tarentules, des cigales, des mantes religieuses cachees dans les feuilles, des alligators, des perroquets, un opossum (marsupial), des fourmis geantes. Il utilise beaucoup son ouie pour la localisation. Bluffant. Ils nous montre un endroit ou les animaux viennent manger la terre pour se purger de toutes les substances toxiques qu'ils absorbent et pour la mineralisation.

Solene a toujours autant de succes avec les insectes. Ses cheveux se trouvent deux fois envahis par des abeilles noires, la plus "petite" tarentule de la foret lui monte dessus et il y a toutes sortes de blattes partout autour de son lit. Comme resume bien Jose-Luis en parlant des abeilles : "Elles t'aiment bien". Un gecko a aussi elu domicile dans notre cabane. On appelle Jose-Luis pour lui montrer. "Ce n'est rien" nous dit-il. On s'en doutait bien comme pour la tarentule "moyenne" qui nous regarde au plafond. Mais tres vite son attention est attiree par une autre araignee qui se trouve sur la moustiquaire de la cabane. "La plus toxique qu'on ait ici" nous apprend-il. Il prefere la tuer meme si on est dans un parc national. Il vaut mieux ne pas risquer une piqure... C'est sans doute la presence de Solene qui l'a attiree :-)

Jose-Luis c'est aussi un ours quand il regagne la ville. On doit presque lui courrir apres a la descente de la pirogue pour lui dire au revoir, le remercier et lui donner un pourboire.

En tout cas la selva c'est une experience unique. La sienne. La notre.

Publié dans Bolivie

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N
Bonjour les aventuriers. <br /> On suit avec passion ce que vous nous proposez sur votre blog. Et on en profite (il est temps !!) pour vous faire un coucou. Ici c'est une autre aventure avec rosalie qui découvre chaque jour un peu plus le monde qui l'entoure. Encore quelques jours et elle devrait être prête pour vous rejoindre dans me jungle. Bien le bonjour aux petites araignées (et aux autres aussi). Des parisiens qui partent en we "aventure" en bretagne ;-)
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M
Ce fut dommage de ne pas le lire jusqu'au bout. C'est un beau commentaire, un partage de votre périple à prendre avec émotion. Merci. Bonne année à vous deux. <br /> <br /> Marie
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F
Merci Marie pour ton commentaire. C´etait tellement bien la selva que les mots sont venus tous seuls meme si c'etait long a ecrire. Merci de suivre le blog alors qu'on ne se connait meme pas directement. A+. Franck