Las tortugas

Publié le par Solene

Au culot, mais pas tres a l'aise quand meme. On a pris l'adresse que nous a donnee l'italien, nos petits sacs accompagnes de quelques sacs plastiques pour y ranger nos sandales et nos matelas, la tente et on est parti comme ca. On n'a prevenu personne, de toute facon, on n'avait pas de contact. On a pris le bus, on a marche une heure sur la plage, sur la route et on est enfin arrive sur la plage de Buena Vista.

On cherche un responsable et on se retrouve en face d'un certain Roy. En nous voyant debarquer, il nous observe l'air interroge sans rien dire, pas un mot, pas un sourire. Je souris et lui dis bonjour mais je n'obtiens pas plus de resultat. Je demande s'il parle anglais ou espagnol, mais toujours rien. Ca commence bien ! Une volontaire a cote repond : "espagnol". Franck prend le relais et explique notre rencontre avec Lucas, un volontaire qui a travaille la il y a quelques semaines et nous a conseille de venir. Lucas, c'etait le mot magique. Roy se deride un peu et nous explique que nous sommes les bienvenus, qu'il y a de la place et qu'on peut rester le temps que l'on souhaite. Ouf, pari gagne ! On est bien content.

C'est parti donc pour quelques jours en tant que benevoles pour un projet de sauvegarde des tortues marines :
http://asvocr.org/leer.php/58

Le premier contact avec l'equipe de volontaires est plutot froid. On avait deja constate en arrivant au volontariat pour les ours andins qu'il n'etait pas facile d'arriver dans une equipe deja constituee, mais cette fois-ci, c'est le groupe lui meme qui semble ni tres soude, ni tres bavard.

L'apres-midi est consacre a recuperer un maximum de sable et a l'apporter dans la "nurserie", l'endroit ou l'on enterre les oeufs des tortues en attendant leur eclosion. Creuser et porter des sacs de sable par 35 degres a l'ombre, on a connu plus facile, mais c'est pour la bonne cause. On arrive bientot a la saison des pluies et la pluie creuse le sable et risque a force de mettre les oeufs a jour. Il faut donc avoir une reserve suffisante pour s'assurer que ca ne se produise pas.

Le gros du travail se fait neanmoins la nuit. C'est a ce moment que les tortues viennent deposer leurs oeufs et que les bebes decident de sortir. Des gardes de deux heures sont donc organises pour surveiller les nids. Une patrouille sur la plage entre maree haute et maree basse est egalement prevue.

Les plannings sont rapidement faits. Je suis de surveillance a la nurserie de 20h a 22h et Franck prend les deux heures suivantes.
Ca ne me suffit pas. Etre la et avoir l'opportunite d'assister a la ponte de tortues est bien plus forte que le sommeil et je demande egalement si nous pouvons nous joindre a la patrouille sur la plage a 1h du matin. Aucun probleme me dit-on. Les chances sont faibles, ce n'est pas la bonne saison pour les tortues. Juin, juillet sont les meilleurs mois en fait. En ce moment, ils ont environ une a deux pontes par semaine, mais arrivent souvent apres et trouvent les nids sans avoir vu les tortues. On verra bien.

Je fais donc les deux premieres heures avec Maura, une hollandaise qui vient aussi d'arriver. On discute un peu. Elle me raconte ses autres benevolats au Costa Rica dans les parcs nationaux de Corcovado et d'Arenal, toujours avec la meme association, l'ASVO. On fait nos rondes toutes les 20 minutes avec une lumiere rouge pour ne pas deranger les tortues tres sensibles a la lumiere. Utiliser une lumiere normale risquerait de leur faire penser que nous sommes en plein jour et qu'il ne faut pas sortir. En tout cas, pas de succes, il ne se passera rien.
On va se coucher et on reveille Franck et Amy, une americaine qui ne voulait pas rentrer a l'universite tout de suite et qui a decide de partir voyager d'abord en promettant a son pere de se mettre aux etudes a l'age de 25 ans. Pas plus de succes pour eux.

Trois heures de sommeil plus tard pour moi, une heure pour Franck et nous voila en patrouille sur la plage, eclairee par la seule lumiere de la lune, a la recherche des traces qu'auraient pu laisser une tortue dans le sable. La encore, les lumieres d'une frontale les ferait fuir et elles pondraient leurs oeufs dans l'eau, les condamnant ainsi a la mort. Quelques centaines de metres plus loin, nous voyons apparaitre une trace devant nous. On la suit et au bout, on trouve la tortue en train de recouvrir son trou de sable, une tortue olivatre (lepidochelys olivacea). Elle vient de finir sa ponte et reprend tranquillement son chemin vers l'ocean. On l'accompagne jusqu'a l'eau, juste pour le plaisir. Rene, le local qui nous accompagne, fait un trou a cote du nid pour faire croire aux amateurs d'oeufs de tortues que ceux-ci ont deja ete preleves. Et oui, c'est une triste realite au Costa Rica et au Nicaragua, mais les gens ici mangent les oeufs parce qu'ils considerent qu'ils ont des vertus aphrodisiaques. Certains n'ont meme pas la patience d'attendre la ponte et attrapent les tortues a leur sortie de l'eau et les eventrent pour en recuperer les oeufs. C'est pour ca que le travail des associations ici prend tout son sens. Plus encore parait-il sur la plage de Matapalo (
http://asvocr.org/leer.php/59) ou ils ont jusqu'a 40 nids par nuit et ceux qui ne sont pas immediatement recuperes disparaissent.

On continue notre exploration de la plage accompagnes de nos deux fideles compagnons : Violeta, la chienne du camp et son copain. Et la, le coup de bol incroyable, une tortue olivatre de nouveau est en train de sortir de l'eau. On se recule pour ne pas l'effrayer et on la laisse cheminer doucement vers le haut de la dune. Elle commence a creuser son trou avec ses nageoires arrieres. Elle est d'une habilete impressionnante. Elle creuse dans le sable, elle l'enleve, le pousse sur le cote et replonge pour continuer a oter le sable. Elle creuse jusqu'a environ 50 cm de profondeur et depose ensuite tous les oeufs. On peut alors s'approcher et l'eclairer toujours avec une lumiere rouge. En revanche, pas de flash possible, donc pas de photo de ce moment exceptionnel. Quand la ponte a commence, plus rien ne semble la deranger. Notre presence de meme que celles des chiens ne la perturbe absolument pas. On assiste donc a la ponte d'une centaine d'oeufs environ qui tombent 2 par 2. Tout est fini en 45 minutes environ. Quelle chance fabuleuse. C'est fou de voir ces tortues qui reviennent des dizaines d'annees plus tard pour pondre sur les memes plages que celles ou elles sont nees, guidees par on ne sait quoi... Quelle habilete et quelle force aussi pour deplacer sable humide et morceaux de bois comme elles le font...
Vers 3h du matin, on regagne notre lit. J'aurai bien du mal a trouver le sommeil apres un moment comme celui-ci.

Le lendemain, tout le monde nous fait remarquer la chance exceptionnelle que nous avons eu. On en est bien conscient de toute façon.

Au programme de la journee, remettre du sable dans la nurserie. Ca change pas trop au moins. L'organisation du travail n'est pas vraiment optimal. Roy, le responsable du camp, ne s'occupe de rien. Diego, son assistant, ne semble pas oser prendre beaucoup de decisions. Il faut dire que le Roy en question n'a pas l'air du genre facile. Et les benevoles, entre Sylvan qui joue les petits chefs, Amy qui ne veut pas trop se fatiguer et Myrthe trop arrogante pour arriver a s'integrer dans un travail de groupe... c'est pas gagne non plus. On essaie un petit peu de faire accelerer le mouvement avec l'aide de Maura mais ce n'est pas une grande reussite. C'est dommage. Ce qui pourrait etre fait en une journee le sera surement en une semaine. Mais sans personne pour manager, le resultat ne peut pas tellement etre different.

Les temps de repos sont occupes par de nombreuses discussions avec Thierry, un belge, bien sympathique et avec une bonne repartie, qui vient de passer 5 mois au Nicaragua, par un peu de lecture, d'ecriture ou de rafraichissement dans l'ocean... Pas trop dure la vie au camp.

Le planning de la nuit est etabli. Ronde a la nurserie pour Franck de minuit a 2h et patrouille sur la plage pour moi a 1h30.

Pour Franck, toujours rien a signaler du cote des bebes tortues.

De mon cote, en revanche, c'est different. Cette fois-ci, je suis partie en patrouille avec Diego et Rene. On trouve un nouveau nid et on decide de recuperer les oeufs. Je sonde avec un baton pour trouver l'endroit precis ou ils sont situes. Merci au GUM pour les stages avalanches. Il faudra rajouter une option nid de tortues au prochain. J'y vais avec precaution, j'ai un peu peur de les abimer. Une fois trouve, Rene creuse jusqu'aux oeufs et pendant ce temps, j'enfile un gant. Je vais les recuperer un a un. Ca me prendra un temps fou. Ils sont encore tout chauds. La coquille est molle, presque elastique. J'essaie d'etre le plus delicate possible. 86 oeufs au total dont un qui n'a pas ete fertilise, il n'a pas la meme forme, ni la meme consistance et un autre casse. Je prends le sac dans lequel je les ai deposes. Un grand moment de tension. 86 oeufs qui font leur poids dans un pauvre sac plastique que je ne peux pas porter par dessous de peur de les contaminer, et toute la plage a retraverser pour arriver au camp. Pourvu que le sac et les anses tiennent le coup.
Enfin, on arrive. Ils m'expliquent que je ne peux pas les deposer dans la nurserie. Qu'a cette epoque de l'annee, le gouvernement ne les autorise pas a prelever les oeufs sur la plage. C'est du grand n'importe quoi, le gouvernement au Costa Rica. Et c'est donc illegalement que les associations continuent leur travail de preservation durant cette periode. Afin que les oeufs soient proteges, on creuse donc un trou sur la plage juste devant l'entree du campement ou je redepose doucement tous les oeufs. Et voila, dans 45 jours environ, 85 bebes tortues olivatres devraient voir le jour.
Je retourne me coucher vers 3h et j'ai encore plus de mal que la nuit precedente a me rendormir.

5h10 du matin. Ca secoue. Je ne comprends pas tout de suite. Ca continue de me secouer. Mais toutes ces secousses ne collent pas avec mon reve alors j'ouvre les yeux. Thierry est la au bas de mon lit pour me dire de me lever. Il m'annonce qu'un bebe tortue vient de sortir et qu'ils vont la relacher. Je previens Franck qui nous rejoint.
Sylvan qui partageait la ronde avec Thierry me tend le gant pour que je puisse m'en occuper. Sans hesiter une seconde, je saute sur l'occasion. Merci Sylvan. Je la sors du nid et la depose dans un seau rempli de sable humide le temps de l'emmener sur la plage. Elle ne bouge quasiment pas, elle n'est pas tres en forme. Je vais sur le haut de la dune pour la liberer a l'endroit ou elle serait sortie si on n'avait pas touche au nid. Elle ne bouge toujours pas beaucoup et puis l'appel de l'ocean surement, elle finit par s'activer. Le bruit de la mer et sa couleur claire sont les elements qui permettent a la tortue de s'avoir quelle direction prendre. Son radar met neanmoins un peu de temps a se mettre en route et elle fait deux tours sur elle meme avant de prendre la bonne route. On est un peu soucieux de la voir ainsi. Doucement elle finit par arriver aux premieres vagues qui s'etendent sur la plage. La mer est forte et elle se fait balader la pauvre. Elle se retrouve sur le dos a plusieurs reprises. J'ai envie de l'aider, de la deposer un peu plus loin, apres les vagues, mais on ne peut pas intervenir. Proteger leurs nids, c'est deja les proteger de l'homme, des chiens et des oiseaux quand elles courent vers la mer. Maintenant, il faut leur laisser faire leur propre apprentissage meme si ca ne semble pas facile. En tout cas, elle n'abandonne pas, elle recommence encore et encore. Et a chaque fois, la mer la rejette.

Sylvan m'appelle, deux nouvelles tortues viennent de sortir. On recommence le meme processus mais c'est deux la sont bien plus vives et trouvent immediatement la direction de la mer. Elles luttent elles aussi cependant en arrivant sur les vagues.

Au bout d'1 heure 1/2, toutes trouvent le chemin de la mer et disparaissent vers le large. Un des moments les plus emouvants du voyage. Les statistiques donnent 1 tortue sur 1000 pour la survie. On augmente surement un peu les chances en protegeant les nids. J'espere qu'au moins une de ces trois la survivra.

C'est la fin de notre court, trop court benevolat. Malgre un esprit de groupe quasi inexistant, c'est un de nos meilleurs souvenirs. On s'est vraiment senti utile cette fois-ci. En tout cas, une chose est sure, je recommencerai... A Matapalo peut-etre, en juin-juillet peut-etre...

Publié dans Costa Rica

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Commenter cet article
S
Et ben!<br /> Que dire à part que l'on rêve à travers vous. Ce moment nous parait magique même à des milliers de kilomètres.<br /> Merci.
Répondre
S
<br /> Coucou,<br /> Merci pour ton message. Je suis certaine neanmoins que tes rendez-vous quotidiens sont tout aussi magiques, non ?<br /> Oh, oui, je sais, je charrie un peu, mais t'inquiete, je rigolerai moins dans 5 mois...<br /> <br /> <br />